Défense de la disposition de touches QWERTY

Le clavier QWERTY n’est pas optimal, là dessus tout le monde sera d’accord. Mais est-il réellement si mauvais ? Pour les adeptes de keymaps (dispositions de touches) alternatives, notamment dvorak, cela ne fait aucun doute.

La légende urbaine prétends que la disposition de touche a été inventée afin d’éviter que les marteaux des premières machines à écrire ne collisionnent pas trop souvent. Dans certaines versions, on raconte même qu’on a voulu ralentir la frappe.

Commençons par répondre à ce problème de frappe ralentie : lançons une analyse d’un passage d’un roman contemporain à Scholes (Alice au pays des merveilles) sur différents claviers dans un comparateur de keymaps, dont un clavier alphabétique. Je vais prendre celui de patorjk.

Certes, les claviers Dvorak et Colemak sont en tête de ce classement, mais le score est assez proche du clavier personnalisé suggéré par ce comparateur. Et surtout, le score est largement meilleur qu’un clavier alphabétique. Soit le hasard fait bien les choses, soit le clavier a été un minimum pensé pour optimiser la frappe.

Voyons les heatmaps du clavier alphabétique, du gagnant et du QWERTY (plus une touche/zone est colorée d’une couleur chaude, plus elle est utilisée) :

Les défenseurs du Dvorak diront qu’il est essentiel que les lettres les plus fréquentes se trouvent sur la rangée de base du clavier. Cela se voit sur le heatmap. Au contraire sur le clavier alphabétique, les lettres K et Q, peu fréquentes en anglais, se trouvent sur la rangée de base. On saute fréquemment de rangée de touches.

Toutefois, avant Scholes il n’existait pas de méthode de dactylographie. Apparaît pourtant un pattern qui pourrait être volontaire : et si on changeait des touches de bases ?

La rangée de base des premières méthodes de dactylographie reposait dans certains cas sur la première rangée de lettres, et non la deuxième. Ajoutez à cela que la touche de base de l’auriculaire de gauche pourrait bien être décalée d’une rangée, ce doigt étant plus court. Symétriquement, pour la main droite, l’index pourrait bien être décalé… Et nous obtenons comme touches de base : A E R T – H U I O. Nous avons là une belle brochette parmi les lettres les plus fréquemment utilisés en anglais. Hasard ou volonté de ses créateurs, si ce clavier avait été conçu pour ralentir la frappe, il s’y prends mal.

En fait même, un des arguments marketing de Remington a été la vitesse de frappe. Dès la fin du 19ième siècle, avaient lieu des concours de dactylographie. Or à cette époque, d’autres fabricants proposaient d’autres dispositions de touches. Selon une étude réalisée par des économistes (certes orientée pour prouver que le marché a toujours raison), bien que les autres dispositions proposées ne semblaient pas trop mauvaises, la disposition QWERTY semblait se distinguer à ce genre de concours.

Est-ce que ce clavier à été conçu pour limiter les collisions des marteaux ? Pour cela, il faut regarder la mécanique : les marteaux étaient disposés en cercle sur la première machine Scholes.

Aussi pour éviter la collision, il convient d’avoir un grand angle entre 2 lettres fréquemment utilisées consécutivement. Cela est plutôt vrai pour la majorité des digrammes fréquent en anglais, à l’exception de E-R qui est un ajout de dernier moment sur le clavier :

Cela dit, pour avoir plus facilement des digrammes à grand angle, il aurait été tentant de fabriquer un clavier qui favorise également l’alternance des mains…. ce qui est également ce que les fans de Dvorak tendent à favoriser (j’y reviendrais très bientôt). Autrement dit, cela ne semble pas être le principal but recherché ; peut-être même cela a-t’il été volontairement évité ?

En fait, il semblerait que ce clavier doive beaucoup aux premiers télégraphes et au code morse selon des historiens qui se sont penchés sur le sujet.

Une analyse de la fréquence d’utilisation des doigts est intéressante également :

Il semblerait que les index et majeurs soient favorisés sur le clavier QWERTY. Certains considèrent ces doigts comme « forts », donc à favoriser, ce pourrait également n’être pas le fait du hasard. Certes Dvorak recherchera un meilleur équilibre entre les doigts… mais sur quelle base scientifique ?

Si en 2017 la disposition QWERTY semble dépassée (et avec elle, la disposition AZERTY pour le Français), en 1900, ce n’était probablement pas une mauvaise disposition de touches.

En fait si on utilise comme touches de base celles que j’ai précédemment surlignées (qui est un peu ce que je fais en AZERTY/QWERTY),  cela voudrait plutôt dire que ce sont les dispositions orthogonales et les techniques de dactylographie actuelles qui ne sont pas adaptés au QWERTY… Autrement dit, si on décide de changer de keymap ou de clavier, probablement est-il opportun de change l’autre également.

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