Défense de la disposition de touches QWERTY

Le clavier QWERTY n’est pas optimal, là dessus tout le monde sera d’accord. Mais est-il réellement si mauvais ? Pour les adeptes de keymaps (dispositions de touches) alternatives, notamment dvorak, cela ne fait aucun doute.

La légende urbaine prétends que la disposition de touche a été inventée afin d’éviter que les marteaux des premières machines à écrire ne collisionnent pas trop souvent. Dans certaines versions, on raconte même qu’on a voulu ralentir la frappe.

Commençons par répondre à ce problème de frappe ralentie : lançons une analyse d’un passage d’un roman contemporain à Scholes (Alice au pays des merveilles) sur différents claviers dans un comparateur de keymaps, dont un clavier alphabétique. Je vais prendre celui de patorjk.

Certes, les claviers Dvorak et Colemak sont en tête de ce classement, mais le score est assez proche du clavier personnalisé suggéré par ce comparateur. Et surtout, le score est largement meilleur qu’un clavier alphabétique. Soit le hasard fait bien les choses, soit le clavier a été un minimum pensé pour optimiser la frappe.

Voyons les heatmaps du clavier alphabétique, du gagnant et du QWERTY (plus une touche/zone est colorée d’une couleur chaude, plus elle est utilisée) :

Les défenseurs du Dvorak diront qu’il est essentiel que les lettres les plus fréquentes se trouvent sur la rangée de base du clavier. Cela se voit sur le heatmap. Au contraire sur le clavier alphabétique, les lettres K et Q, peu fréquentes en anglais, se trouvent sur la rangée de base. On saute fréquemment de rangée de touches.

Toutefois, avant Scholes il n’existait pas de méthode de dactylographie. Apparaît pourtant un pattern qui pourrait être volontaire : et si on changeait des touches de bases ?

La rangée de base des premières méthodes de dactylographie reposait dans certains cas sur la première rangée de lettres, et non la deuxième. Ajoutez à cela que la touche de base de l’auriculaire de gauche pourrait bien être décalée d’une rangée, ce doigt étant plus court. Symétriquement, pour la main droite, l’index pourrait bien être décalé… Et nous obtenons comme touches de base : A E R T – H U I O. Nous avons là une belle brochette parmi les lettres les plus fréquemment utilisés en anglais. Hasard ou volonté de ses créateurs, si ce clavier avait été conçu pour ralentir la frappe, il s’y prends mal.

En fait même, un des arguments marketing de Remington a été la vitesse de frappe. Dès la fin du 19ième siècle, avaient lieu des concours de dactylographie. Or à cette époque, d’autres fabricants proposaient d’autres dispositions de touches. Selon une étude réalisée par des économistes (certes orientée pour prouver que le marché a toujours raison), bien que les autres dispositions proposées ne semblaient pas trop mauvaises, la disposition QWERTY semblait se distinguer à ce genre de concours.

Est-ce que ce clavier à été conçu pour limiter les collisions des marteaux ? Pour cela, il faut regarder la mécanique : les marteaux étaient disposés en cercle sur la première machine Scholes.

Aussi pour éviter la collision, il convient d’avoir un grand angle entre 2 lettres fréquemment utilisées consécutivement. Cela est plutôt vrai pour la majorité des digrammes fréquent en anglais, à l’exception de E-R qui est un ajout de dernier moment sur le clavier :

Cela dit, pour avoir plus facilement des digrammes à grand angle, il aurait été tentant de fabriquer un clavier qui favorise également l’alternance des mains…. ce qui est également ce que les fans de Dvorak tendent à favoriser (j’y reviendrais très bientôt). Autrement dit, cela ne semble pas être le principal but recherché ; peut-être même cela a-t’il été volontairement évité ?

En fait, il semblerait que ce clavier doive beaucoup aux premiers télégraphes et au code morse selon des historiens qui se sont penchés sur le sujet.

Une analyse de la fréquence d’utilisation des doigts est intéressante également :

Il semblerait que les index et majeurs soient favorisés sur le clavier QWERTY. Certains considèrent ces doigts comme « forts », donc à favoriser, ce pourrait également n’être pas le fait du hasard. Certes Dvorak recherchera un meilleur équilibre entre les doigts… mais sur quelle base scientifique ?

Si en 2017 la disposition QWERTY semble dépassée (et avec elle, la disposition AZERTY pour le Français), en 1900, ce n’était probablement pas une mauvaise disposition de touches.

En fait si on utilise comme touches de base celles que j’ai précédemment surlignées (qui est un peu ce que je fais en AZERTY/QWERTY),  cela voudrait plutôt dire que ce sont les dispositions orthogonales et les techniques de dactylographie actuelles qui ne sont pas adaptés au QWERTY… Autrement dit, si on décide de changer de keymap ou de clavier, probablement est-il opportun de change l’autre également.

Alors, qu’est-ce qu’un clavier ergonomique en 2017 ?

Après avoir visualisé de nombreux modèles de claviers pendant de longs mois, se pose tout naturellement la question : comment doit être fait un clavier ergonomique ?

De nombreux claviers continuent de reprendre le design de la machine à écrire Sholes et Glidden qui a tout de même pas loin de 150 ans. Tel ce clavier Penclic vendu 57.90 € sur un site dédié aux solutions ergonomiques :

Or non, ce n’est clairement pas une solution ergonomique. Tout au plus une solution permettant de garder ses mauvaises habitudes issues de l’héritage des claviers mécaniques de machines à écrire. Voyons donc les tendances sur les claviers réellement ergonomiques.

Clavier splitté

La première tendance dans les claviers ergonomiques est de séparer, dans certains cas franchement, les 2 mains. En effet, sur le clavier traditionnel les mains sont trop rapprochés et pas forcément dans le meilleur angle. C’est ce à quoi réponds le clavier Natural Keyboard de Microsoft, et tous les nombreux claviers imitant ce design :

Certains claviers sont carrément séparés en deux claviers, reliés par un simple fil, laissant à l’utilsateur le choix de l’angle et la distance entre les 2 mains, tel le clavier Freestyle 2 de Kinesis :

Certains sont allés jusqu’à mettre les 2 claviers sur leurs chaises. Par exemple, avec le datahand :

Le clavier « cordé » ou clavier 40% ?

Les claviers cordés semblent n’être plus qu’une relique des années 80, à l’exception des claviers dédiés à la sténographie :

Cependant, l’idée de réduire la taille du clavier afin de ne pas trop bouger les mains a gagné en popularité. Il s’agit des claviers réduits, généralement appelés 40% (c’est à dire qu’ils font la taille de 40% d’un clavier usuel) :

Le clavier le plus couramment cité dans cette catégorie sera le clavier orthogonal Planck :

Le clavier est tout petit, on ne risque donc pas de beaucoup bouger les mains… et c’est bien l’objectif : ne jamais (trop) s’éloigner des touches de base. Même pour appuyer sur Print Screen.

Où se trouvent les chiffres sur ces claviers ? Les signes de ponctuation ? Les fléches ? Les touches de fonctions ? Et bien elles sont obtenus par des combinaisons de touches, le clavier ayant différents layers. Sur le Planck présenté, ce sont les touches lower et raise, accessibles par les pouces qui remplissent ce rôle.

Les claviers 40% sont usuellement hautement programmables ; ainsi le Planck fonctionne avec un micro-contrôleur Atmega 32U4 et le firmware hautement customisable QMK. Ce firmware est d’ailleurs devenu omni-présent dans les claviers home-made.

Clavier orthogonal, en pattes d’ours ou 3D

Dès lors qu’on ne cherche plus à avoir un clavier rappelant le clavier Remington (décalé), mais tout en gardant l’utilisation de touches « traditionnelles », on obtient des claviers orthogonaux tel le Planck dont je viens juste de parler.

S’il est évident que le clavier décalé est une abération, un clavier orthogonal ne tiens pas compte de la longueur des doigts.  Au contraire, les claviers dits « en pattes d’ours » tel le Truly Ergonomic Keyboard (dont la fabrication viens d’être arrếtée) tiennent compte de ce fait :

Mais il semble encore plus logique de ne pas avoir un clavier tout plat, mais d’aligner les touches dans l’espace. Nous arrivons alors aux claviers « 3D », dont la hauteur des touches est variable, tel le clavier Dactyl dont on me demande de parler :

 

On pourrait aller encore plus loin dans le monde du clavier : tout le monde n’a pas des mains de la même taille ni de la même forme.  Ainsi, le clavier manuform a été modelé selon les mains de son créateur, qui ajoute l’avertissement : « The one warning I’ll give is that the column stagger is pretty aggressive. After making some prototypes with less stagger, I found that, for my hand at least, with my short pinkies, this worked best. If your hands are shaped differently this might not fit the « ManuForm » (Hand-shaped) moniker for you. I wish I had the skills to make the model fully parametric so you could adjust it and print a variation with different column stagger and thumb-length, etc. ».

(Les rangées sont fortement décalées, c’est ce qui marche le mieux pour mes mains, avec des auriculaires courts. Si vous avez des mains trop différentes des miennes, ce clavier pourrait pas n’être pour vous. J’aimerai avoir les compétences pour proposer un clavier paramétrisé permettant d’imprimer des variations de décalage et de longueur des pouces, mais je ne les ai pas…).

Coup de bol pour moi, nous avons les même mains. J’hésite en effet à refaire ce clavier, ce qui me rebute est le coût de l’impression 3D du boitier (300 € sur shapeways).

Il existe une variante de ce clavier totalement splittée et un peu plus paramétrisée (se basant sur le Dactyl qui est lui bien plus paramétrisé), le Dactyl-Manuform. Mais pour l’instant, il faudra encore connaître Clojure et probablement se retrouver avec des problèmes inattendus pour adapter un Dactyl ou un Dactyl-Manuform à longueur des ses doigts. Il n’existe, à ma connaissance, aucun projet de clavier complètement paramétrisé (quand à la fabrication industrielle, je n’en parle même pas).

Dans la même veine, l’espacement entre les touches d’un clavier est resté assez standard en occident : 3/4 de pouce, ou 18.8 mm. Au Japon les mains sont plus petites, ainsi de nombreux claviers japonais ont des touches bien plus rapprochés. Le clavier semi-industriel japonais Esrille existe ainsi en 2 tailles : espacement standard de 18.8 mm ou 17.5 mm.

Bien utiliser les pouces et même le poignet…

Il est assez abérant d’avoir une seule touche partagée par 2 doigts. Je veux bien sûr parler de la barre espace sur le clavier Remington. Il serait dans un premier temps plus intéressant d’avoir une touche par pouce, par exemple le Z70. Puis pourquoi pas, partager en plusieurs touches la barre espace, tout en gardant le design traditonnel, tel que le phantom 7bit ?

Et c’est également par le pouce que lower et raise sont accédés sur le clavier Planck…

Mais à cette époque où l’agilité des pouces tends à augmenter, nous pouvons aller encore plus loin. Ainsi les claviers 3D disposent tous de nombreuses touches pour le pouce (voir les Dactyl et Manuform plus haut). Il y a eu des ratés, tels que les touches difficiles d’accès de l’Ergodox, mais dans l’ensemble, la tendance est là.

Nous pouvons aller plus loin encore : utiliser le poignet pour appuyer sur une touche. C’est ce qui est proposé dans ce hack pour le Kinesis Contoured.

Mais également dans le keyboard.io dont la fabrication viens -enfin- de commencer.

Le record sera atteinds sur le clavier Katy KCS84 : 9 touches par pouce et une par le poignet ! (20 touches au total !).

Interrupteurs mécaniques

Il ne fait pas de doutes que les interrupteurs mécaniques sont préférables aux touches ciseaux. Tous les claviers 3D sont ainsi équipés. Les claviers artisanaux également, mais c’est peut-être aussi parce que c’est la technologie qui convient le mieux dans ces 2 situations.

Le brevet de Cherry MX tombé dans le domaine public a permis de baisser les prix des switchs avec l’apparition de modèles compatibles, pour certains même considérés de meilleure qualité que l’original (Gateron). Ceci a également permis l’arrivée de nombreux interrupteurs aux caractéristiques différentes des traditionnels MX blacks, blue ou brown (ou même red).  Gateron Yellow, Razer Green ou Orange en théorie à destination des gamers (1.9 mm), Zealio (4 variantes). Cherry n’est pas en reste en proposant le Cherry MX Speed Silver (1.2 mm). Puis sont arrivés les Kailh Speed en 4 variantes (1.1 et 1.4 mm), ou les Outemu Blue/Teal/Purple. Et d’autres switches continuent d’arriver : les Input Club Halo True et Halo Clear (inspiré des Topre), les Kailh Pro (1.7 mm)…

Et pour compliquer les choses pour l’amateur, ces switches sont souvent fabriqués et vendus par des chinois. Tout comme les Cherry « whites » peuvent ne pas être les mêmes selon les vendeurs, le même phénomène se reproduit avec les Kailh (aussi appelé Kailhua) Speed ; la version bronze pourra aussi être nommée « Thick Gold » ou « Platinum »…. Avec la multiplication des switches toujours dénommés par des noms de couleurs, on risque d’avoir de nombreuses erreurs de traduction. Ça promet.

Le choix parmi les switchs mécaniques est clairement en augmentation ; cela rappelle l’âge d’or du switch mécanique (le début des années 90) où existaient de nombreuses variantes du design ALPS.

Pour ma part, j’attends de pouvoir tester un clavier équipé de Kailh Speed Bronze.

Le site d’Input Club s’est amusé à mesurer la courbe de réponses de différents switches pour vous permettre de choisir vos switchs. Tous les switches n’y sont pas ; mais c’est le seul comparatif de ce genre que je connaisse, car non, ce n’est pas si évident de réaliser de tels graphs. Toutefois la seule vraie manière de tester un switch serait de tester un clavier entier.

On mélange le tout…

Si je résume un clavier ergonomique à la mode 2017 sera : splité, avec un nombre de touches éventuellement réduit (en utilisant, au besoin, des raccourcis claviers), sauf pour les pouces, programmable, 3D ou en pattes d’ours à défaut. On pourra également faire remarquer qu’ils sera de forme symétrique et sans pavé numérique.

La tendance à la réduction des touches provient également des besoins du fabricant amateur de claviers ; la moitié des claviers présentés ici étant des claviers non industrialisés. En effet, à quoi bon conserver des touches Print Screen ou SysReq qui ne sont (presque) jamais utilisées ? Cela demande des matériaux, du travail de conception et de cablâge supplémentaire pour une touche qui ne risque pas de s’user. Sans parler des designs conçus pour répondre à des limitations de taille des micro-contrôleurs, des imprimantes 3D courantes ou d’autres machines-outil…

Ainsi on note que Matt Adereth, le créateur du Dactyl, est un grand fan des claviers Kinesis Contoured. La ressemblance saute d’ailleurs aux yeux ! Mais la différence aussi : le Dactyl ne dispose plus des touches de fonction ! Or ces touches avaient justement été améliorés sur la version 2 du Kinesis par l’utilisation de touches mécaniques Cherry ML au lieu de touches caoutchouc du plus mauvais effet. La demande existe donc probablement bien. Il est ainsi un peu dommage qu’un clavier industrialisé tel le keyboard.io ne dispose pas d’un rangée de touches supplémentaires pour les touches de fonction (comme sur l’Esrille). Cela aurait pu aider à le distinguer de l’ergodox ou d’autres claviers plus artisanaux.

Changer le contrôleur du clavier Kinesis Contoured

J’ai acheté un clavier Kinesis Contoured Advantage. Inutile de le cacher, de tous les claviers que j’ai pu tester, celui-ci avec son design 3D est le plus ergonomique de tous. Les mains bougent peu, les pouces sont utilisés, les touches sont mécaniques. Edit: En voici une photo (Merc Salagir), et le lien vers le site du constructeur.

Le clavier est programmable, dans une certaine limite, mais je ne compte pas utiliser cette fonction Mais le clavier soufre d’un certain nombre de défauts de conceptions : pas de touche « Super / OS », ni de touches multimédias. Il existe des hacks pour rajouter des touches au clavier, ainsi que des hacks permettant de changer de contrôleur, et donc d’avoir accès aux fonctionnalités avancées de QMK (par exemple). Ces hacks visent en partie à corriger le bug des touches coincés que l’on peut rencontrer avec le clavier, l’un de ses défauts.

En fait, son autre réel défaut sera son prix. Mais si au lieu de collectionner les claviers, on en achetait tout de suite un bon, cela peut faire des économies, d’autant plus que le clavier est réparable et que le SAV de Kinesis vends des pièces. Il faudra un petit temps d’adaptation pour retrouver ses anciens réflexes (frappe orthogonale, clavier pas nécessairement splitté comme on le faisait avec un autre clavier, dernière colonne de gauche décalée vers le bas pour des raisons de symétrie).

Ouverture du clavier Kinesis Contoured Advantage 1

Il existe plusieurs versions du clavier (qui a été fabriqué depuis 1992), je me suis dépêché d’acheter la version 1 du clavier Advantage USB (KB500USB-blk) afin d’être sûr de profiter des hacks bien documentés. La première opération consistera donc à ouvrir le clavier pour voir comment il est fait. Cela est facile, quelques vis et le clavier s’ouvre tout seul. Bref, après une ouverture sans difficulté, on accède à ça :

Techniquement, il s’agit d’un clavier PS/2 contenant 1 contrôleur série, 1 mémoire flash I2C pour stocker les macros (avec emplacement pour une deuxième mémoire), et un emplacement pour des DIP-switchs remplacé ici par des résistances. En fait, tout porte à croire que la même carte est utilisée sur le modèle Pro qui possède le double de mémoire et ces fameux DIP-switches. La carte contient également 2 multiplexeurs : cela permet d’avoir 16 lignes sur la matrice des touches avec seulement 4 ports sur le micro-contrôleur (A,B,C,G).

Mais le clavier est censé être USB, n’est-ce pas ? Hé bien, oui, car cette carte est reliée à un convertisseur USB-série qui assure également la fonctionnalité de hub USB 2 ports (ou 3 si on compte le clavier). Attention, car cette carte est connue pour buguer avec des chipsets Intel récents ou d’autres types de contrôleurs USB 3. Ce bug peut quelquefois être contourné avec un hub. Point amusant, cette carte est signé « PI Engineering », un fabricant de claviers orthogonax customisables et customizés, plus connu sous le nom de « x-keys ».

En fait, on devine que la version USB a été conçue avec le convertisseur pour éviter d’avoir à gérer 2 versions différentes du clavier et concevoir rapidemment une version USB (au moment où l’USB se répondait, soit au début des années 2000). Que ce convertisseur existe encore en 2016 est étonnant, d’autant plus qu’il ne gérait même pas la norme USB 2, ce qui au prix du clavier faisait désordre en 2016. La nouvelle version du clavier sortie mi-2016 (Kinesis Contoured Advantage 2) règle ces problèmes d’USB et apporte la possibilité d’accéder aux macros comme à un filesystem.

Le Hack Humble Hacker (2010)

La première modification du contrôleur a été réalisé en 2010 par David Whetstone sur un clavier « Kinesis Professionnal QD » daté du 18 mars 1999. Il s’agit de mettre sur le Kinesis le firmware réalisé pour un des premiers clavier maison que je connaisse, le clavier « Humble Hacker Keyboard  ». Cette modification a été réalisée en 2 étapes : d’abord le reverse-engineering de la matrice du clavier.

Puis la réalisation d’une nouvelle carte contrôleur à base de Teensy, sur une carte de prototypage, a grand renforts de fils.

Avec ce contrôleur, on perds le hub USB, l’accès à la mémoire flash, le buzzer, et le connecteur vers les pédales optionnelles. De plus, le clavier anciennement PS/2 a été converti en clavier USB natif (Teensy oblige).

Le firmware et les contrôleurs chrisandreae (2012)

Chrisandreae a conçu un firmware pouvant remplacer le firmware du clavier Kinesis, tout en conservant ses possibilités de reprogrammation, et même plus : il devient possible de remapper les touches via une interface graphique sans reflasher le firmware et de remplacer la souris, et même de faire tourner un programme externe (simple) dans le clavier.

L’accès à la mémoire I2C (utilisée pour stocker la configuration des touches et les macros) et au buzzer est toujours possible ; l’accès aux pédales n’a pas été testé mais la carte reprends la connectique nécessaire. Le hub USB est néanmoins perdu (sur les modèles qui en sont pourvus), puisque le contrôleur est conçu pour reprendre l’ancien câble USB du clavier.

Pour obtenir ce résultat, un nouveau contrôleur viens tout simplement prendre la place de l’ancien contrôleur sur les modèles « récents » (tel que le  clavier de David Whetstone, daté de 1999), directement sur le support DIP 40 pins. Cela permet de conserver le clavier réellement intact, il pourra donc revenir sans problème à sa configuration d’origine.

Ou même en remplacement de l’ancienne carte contrôleur sur le (vieux) modèle 110, qui est très différente des modèles plus récents :

Ces cartes sont basées sur un contrôleur Atmega 32A, le contrôleur doit être programmé à l’aide d’un programmateur externe (certains ne coûtent pas plus chers qu’un teensy), sa soudure implique des soudures CMS, et il y a très peu d’instructions pour refaire la carte (pas même un « Bill of Material » autre que vaguement sur un forum), et il n’y a aucun sité dédié (juste des annonces sur geekhack). Ceci à du refroidir quelques unes des personnes intéressées par ce firmware, malgré un travail d’excellente qualité avec des fonctionnalités introuvables sur d’autres firmwares.

Il est également possible de faire tourner ce firmware sur l’ergodox, en rajoutant une mémoire I2C sur celui-ci, et lui permettre de prendre les fonctionnalités du Kinesis, l’ergonomie en moins.

Ce firmware ne gère néanmoins pas les touches multimedias, et les commits se font rares dans les dermiers mois.

Le contrôleur Stapelberg (2013)

En se basant sur les travaux de David Whetstone, Michael Stapelberg a conçu sous Eagle une carte pouvant remplacer le contrôleur de David Whetstone en utilisant cette fois-ci un Teensy++ 2.0. Au passage, Michael Stapelberg s’est rendu compte que les connecteurs pour les puits de touches alphabétiques étaient différents sur son clavier. Sa carte utilise donc un connecteur Cvilux CF01131V000, compatible avec le connecteur Molex 39-53-2135.

Cette carte apporte un design assez simple et élégant, mais on perds (comme avec la carte Humble Hacker) l’accès à la mémoire flash, le buzzer, et le connecteur vers les pédales. Cependant, il ne doit pas être impossible de les rajouter, il reste plein de ports inutilisés sur le Teeny++. On perds également le hub USB 1.1.

Cette carte n’est pas vendue, mais il est possible de faire réaliser plusieurs modèles pour quelques dizaines d’euros sur les sites usuels : Oshpark, DirtyPCBs, Bilex-LP

A l’origine, Michael Stapelberg utilisait une version adaptée du firmware humble hacker, mais ce clavier est désormais supporté par QMK.

Le « Kinesis Advantage TMK Hack » (2015)

Tout cela est bien beau, mais s’il est possible de remplacer le contrôleur en venant se greffer avec un PCB directement sur le support à la place de l’ancien contrôleur (Chris Andreae), c’est qu’on doit aussi pouvoir greffer directement un Teensy là dessus… Un hack peut-être pas aussi propre que les 2 précédants, mais plus accessible.

C’est le hack proposé par Warren Janssens sur le site hackaday : https://hackaday.io/project/4320-kinesis-advantage-tmk-hack

Il suffit donc d’un Teensy 2.0, d’un support de circuit intégré 40 pins, d’un peu de fil et de soudure… Puis il faudra trouver une solution pour le câble, on proposera de reprendre le câble du Kinesis, mais qu’importe, du moment que le Teensy sera branché en USB.

Ce hack nécessitera évidemment un firmware adapté, et d’ailleurs il visait justement à faire tourner TMK sur le Kinesis. Ainsi Warren Janssens proposera son fork de TMK adapté à ce contrôleur. Ce fork n’est pas synchronisé avec la branche officielle de TMK, mais a été porté sur QMK par alvinstep, et fait partie de la release officielle de QMK (qui par ailleurs contient la documentation complète du hack).

Enfin, il existe un patch pour faire tourner le firmware de chrisandreae (et un pull request sur github) sur ce hack physique. La mémoire I2C et le buzzer sont branchés ; il reste encore quelques pattes de libres sur le teensy pour envisager de rajouter les pédales. Cette solution, comme les autres, ne reprends pas le hub USB.

Remettre un hub sur le Kinesis

Les 4 hacks présentés ici ne s’embarassent pas de garder le hub, et pour cause : dépassé (USB 1.1), buggué, activant le contrôleur USB de l’ancien clavier, on n’a pas nécessairement envie de s’encombrer quand il est possible d’acheter des hubs USB 2.0 pour quelques euros sur ebay (ou ailleurs).

Et d’ailleurs, si on pouvait trouver un hub physiquement compatible avec le boitier ? J’ai reperé plusieurs candidats à cet effet :

Une pieuvre 4 ports

Une pieuvre 7 ports

Avec les hubs pieuvres, l’intégration est facile : il suffit de glisser à travers les ports USB / le câble origine les ports du hub, tout en gardant une prise USB femelle à l’intérieur du clavier. Même pas besoin de souder en reprenant le court câble USB fourni avec le Teensy. Pour gagner de la place, on devra démonter le boitier (il se déclipse facilement avec un couteau sur ces 2 hubs que je me suis procuré en Chine via Ebay). Au passage, l’électronique sur un hub moderne est vraiment minimaliste : cela se limite à un seul circuit intégré dans certains cas.

Cela marche assez facilement avec le hub 4 ports, un peu plus difficilement avec la version 7 ports. Le hub n’est en outre pas alimenté, donc pour il ne faudra pas espérer y connecter des périphériques consommateurs d’électricité (ou vouloir recharger son téléphone).

Le hub « swivel »

Comme les pieuvres, ce hub est facilement démontable. On pourra alors désouder sur le PCB le port du milieu et souder à la place un câble pour le relier au teensy, et faire passer le port mâle via le trou du câble d’origine, et les ports USB à la place du câble d’origine. Un peu de « pistocolle »(pistolet à colle chaude) devrait faire tenir l’ensemble en place . Puis on utilisera un câble rallonge USB pour relier le câble au PC (ou à un autre hub). Cela permet de garder le clavier propre, sans « pieuvre » avec des câbles sortants sous le clavier, et même, un câble détachable de la longueur souhaitée.